Lettre ouverte à l'attention de l’établissement public Haropa Port


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Port de Gennevilliers :

Green Dock, une erreur stratégique ?


Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les administrateurs du port de Gennevilliers,


Nous souhaitons vous faire part de nos questionnements sur le choix du projet Green Dock, retenu par Haropa port (01/06/2021) et accordant une concession de 60 ans dans le port de Gennevilliers à la société Goodman pour édifier un entrepôt logistique XXL dans le lit majeur de la Seine, en bord de fleuve.

La nouvelle Charte d’amélioration des ports (CAP) adoptée par Haropa Port et ses partenaires institue « une démarche de progrès visant l’amélioration continue de l’intégration urbaine, architecturale et paysagère des sites et installations portuaires, la maîtrise de leurs impacts environnementaux et l’information régulière des publics concernés ». Et le Schéma d’Orientation et de Développement Durable du Port (SODD) insiste sur l’accélération de la transition écologique.

Le gigantisme du projet Green Dock respecte-t-il les engagements de cette charte ? Nous ne le pensons pas.

Avez-vous une vision à court, moyen et long terme de la gestion du foncier des 400 ha de ce port, un des ports fluviaux les plus importants de France ?

L’activité fluviale du port se déployait jusqu’ici dans des darses créées à cet effet et n’impactant pas les rives. Les dommages pouvant résulter de l’implantation sur les berges d’un entrepôt de cette taille ont-ils été évalués ? Pourquoi ne pas vous être posé une première question sur l’opportunité, du double point de vue écologique et paysager, du choix de l’emplacement pour cette construction XXL ?

Dans le cahier des charges de la consultation, la proximité de la zone Natura 2000 de la pointe de l’Île Saint-Denis, à quelques dizaines de mètres du terrain du projet, n’a pas été mentionnée. Négligence ou omission ? Mais c’est cette absence qui, en partie, est la source des difficultés actuelles.

Le projet retenu est un bâtiment colossal abritant 90 000 m2 d’espaces de stockage et de distribution, de 35m de haut, 600m de long avec des fondations profondes risquant de faire barrage à l’écoulement des eaux.

Avez-vous pensé aux lourdes conséquences écologiques et paysagères de cet entrepôt qui, fonctionnant 24h/24 et 7j/7, bouleversera les écosystèmes fragiles des trames bleue (l’eau) et verte (la végétation) en bord de Seine et perturbera les migrations des centaines de Grands Cormorans qui hivernent à proximité, ainsi que les zones de nidification de nombreuses espèces protégées dont le Martin-pêcheur qui figure dans la "Directive oiseaux" de l’Union européenne, avec le Faucon Crécelle et la Sterne Pierregarin.

Quel sera son impact sur le cadre de vie des habitants de la rive droite de la Seine, à Argenteuil et Epinay-sur-Seine ? Comment les divers projets des communes avoisinantes, visant à redonner le fleuve aux habitants, pourront-ils cohabiter avec le projet Green Dock ?

Avez-vous simplement imaginé l'effet de masse et de barrière visuelle d'un tel projet alors que nous sommes dans une boucle de la Seine au relief plat dans un grand paysage parfaitement identifié dans les atlas du paysage ?

Que sont devenues les études paysagères commandées par vos prédécesseurs pour le Port de Gennevilliers entre 1990 et 2010 ? Elles indiquaient que le port devait veiller à densifier ses activités dans la partie centrale, à les alléger sur le pourtour ainsi qu’à assurer des continuités vertes sur l’emprise du port.

Pensez-vous que les croisières « découverte du port » que vous organisez auront encore un sens et quelque intérêt pour le tourisme s'il faut longer un mur si haut, sur 600 m, avant de pouvoir pénétrer dans les darses ? Devra-t-on désormais parler du Mur d'Haropa Port ?

Pourquoi, enfin, prendre le risque grave de promouvoir un projet en contradiction avec la Charte et le Code de l'environnement(1) ainsi qu’avec les prescriptions des documents de planification que sont le SRCE (Schéma Régional de Cohérence Ecologique), le SDRIF (Schéma directeur de la Région Ile de France)(2), et le SCoT (Schéma de Cohérence territoriale) de la Métropole du Grand Paris ?

Toutes ces questions, complexes, d’intérêt général et qui dépassent très largement l’échelle du projet lui-même, sont trop importantes pour être laissées à votre seule discrétion.

Il est indispensable qu'un véritable débat public et une très large information permettent leur examen avec toute l’impartialité et la transparence que requiert ce patrimoine commun majeur que sont la Seine, ses îles et ses berges, un patrimoine partagé qui fait, autant que la modernisation industrielle, partie de notre avenir.

Green Dock, monument d’entrée du Port de Paris, est-il le meilleur choix pour porter l’image de Haropa Port et de son engagement pour l’environnement ?


Liste des acteurs locaux, régionaux et nationaux soutenant cette lettre ouverte
Collectif
  • Quinze associations : Coordination Eau Île-de-France, EducEcolo, Environnement et Patrimoine Asnières-sur-Oise, Epinay + Seine, Gennevilliers insoumise, Groupe national de surveillance des Arbres ISD, Halage, L’Essoreuse, Le Jardin du Figuier, Les Amis du Port Sisley, L’Île Vivante, Mouvement National de Lutte pour l’Environnement 93 Nord-Est Parisien, Naturellement Nanterre, Péniches à la folie, Protection Berges de Seine, Youth for Climate
Autres
  • Plusieurs centaines de citoyens, répartis dans neuf communes (Argenteuil, Asnières, Colombes, Epinay-sur-Seine, Gennevilliers, L’Île-St-Denis, Saint-Denis, Saint-Ouen, Villeneuve-la-Garenne) et au-delà.
  • Divers professionnels : environnement, urbanisme, climat, gestion de crise, communication, journalisme, juridique.
Associations
  • La Seine n’est pas à vendre (LaSPaV), Environnement 92, Environnement 93, FNE Ile de France, Paysages de France


1) Article L110-1 : « I. - Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage. Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine. »

2) Les ports doivent veiller à « assurer une meilleure mixité des usages (intégration d’itinéraires de promenades, haltes fluviales pour le transport des passagers, etc.), une meilleure intégration de l’équipement dans son environnement et une prise en compte des continuités écologiques » ; sur le fleuve « lorsque des continuités aquatiques ou humides ont été interrompues, leur restauration doit être recherchée par l’aménagement d’espaces ouverts et la végétalisation au bord de l’eau. »

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